billet
L'Appel de Paris déclare

Article 1 :
Le développement de nombreuses maladies actuelles est consécutif à la dégradation de l'environnement .

Article 2 :
La pollution chimique constitue une menace grave pour l'enfant et pour la survie de l'Homme.

Article 3 :
Notre santé, celle de nos enfants et celle des générations futures étant en péril, c'est l'espèce humaine qui est elle-même en danger.

Le 7 mai 2004, scientifiques internationaux de renom, médecins, représentants des associations de protection de l’environnement se réunissaient à l'UNESCO pour un colloque dont le thème était «CANCER, ENVIRONNEMENT ET SOCIETÉ». Au terme de cette réunion, les spécialistes se sont mis d'accord pour interpeller notre civilisation sur les dangers sanitaires des pollutions qui nous entourent : c'est l'Appel de Paris.

Bien que cette "alerte" ait recueillie l'adhésion des plus éminentes personnalités (Prix Nobel de Médecine français : les Prs François Jacob et Jean Dausset, de nombreux membres des Académies des Sciences et de Médecine parmi lesquels les Prs Jean Bernard, Yves Coppens, François Gros, Lucien Israel, Luc Montagnier, des personnalités médiatiques, humanistes comme Nicolas Hulot, Albert Jacquard, Boutros Boutros-Ghali) et la signature de près de 1000 ONG et plus de 150.000 citoyens, aucune révolution dans nos comportements (mode de production, dépollution,etc.) n'a été mis en place. Les médias n'ont guère relayé l'information bien longtemps et l'appel de Paris est quasi inconnu de M. Tout le Monde.

Plus de deux ans après, un frémissement : les quatrièmes rencontres parlementaires Santé et Environnement se tiennent à Paris. «Chez les femmes âgées de 25 à 44 ans, 30 % déclarent avoir eu des difficultés ou échoué à avoir un enfant (1), rappelle Nathalie Kosciusko-Morizet, députée UMP de l'Essonne, initiatrice de ces rencontres parlementaires. «Il n'y a pas aujourd'hui de conclusion scientifique définitive, mais, avec les perturbateurs endocriniens, on est pile dans le champ du principe de précaution, qui s'applique lorsqu'il y a risques de dommages graves et irréversibles à la santé  humaine». 

Le début du commencement de décisions politiques majeures et courageuses peut-être ?! Rappelons que le réchauffement climatique comme la déplétion des énergies fossiles nous amènent également à réfléchir sur notre façon d'habiter notre monde.

Les substances chimiques sont les principales suspectes de la baisse de la fertilité humaine.
Par Eliane PATRIARCA
Libération : mercredi 13 décembre 2006

De fait, depuis une quarantaine d'années, on observe une détérioration inquiétante de la production spermatique, une hausse des cancers des testicules et des malformations congénitales chez l'homme. Et l'on suspecte certaines substances ­ celles entrant dans la composition de pesticides, de cosmétiques, de peintures, de détergents et d'articles en plastique (2) ­ d'être à l'origine de ces perturbations endocriniennes. Alfred Spira, chercheur à l'Inserm et professeur de santé publique et d'épidémiologie à l'université Paris-XI est coorganisateur de ces quatrièmes rencontres parlementaires.

Depuis quand a-t-on découvert ces troubles de la fertilité ?
En 1992, une métaanalyse danoise, compilant des publications scientifiques des cinquante années précédentes, a mis en évidence une baisse de la concentration en spermatozoïdes (50 millions en cinquante ans).
Pour nous, cette étude a été un coup de tonnerre dans un ciel qui n'était déjà plus serein. D'autres études sur la faune sauvage avaient en effet déjà montré la féminisation de poissons dans des rivières polluées ou l'apparition de micropénis chez des crocodiles vivant dans des lacs pollués au DDT.
En ce qui concerne l'espèce humaine, nous avions eu les terribles exemples du Distilbène, l'hormone de synthèse prescrite en France entre 1950 et 1977 aux femmes enceintes pour prévenir les fausses couches et qui a provoqué des cancers chez leurs enfants exposés in utero. Et puis il y eut la catastrophe de Seveso, en 1976 en Italie, avec ce nuage de dioxine qui a provoqué des avortements spontanés. Il y avait aussi l'infertilité constatée des travailleurs des bananeraies manipulant certains pesticides. Depuis, d'autres études ont corroboré ces observations comme celle menée à l'hôpital Cochin, à Paris, sur les donneurs de sperme : elle montre, entre 1973 et 1992, une perte de 30 millions de spermatozoïdes.

Pourtant, le lien de causalité entre produits chimiques et troubles de la fertilité n'est pas prouvé...
Non, mais nous disposons d'un fort faisceau d'arguments. D'une part les observations faites chez les animaux, comme dans cette expérience sur les rats ou le groupe nourri avec des solutions contenant des phtalates a des testicules beaucoup plus petits que ceux du groupe témoin nourris avec une solution sans phtalates. Dans l'espèce humaine, évidemment, nous n'avons pas d'expérimentation, mais Seveso ou le Distilbène constituent des preuves «quasi expérimentales».

En 2004, la France a lancé un programme de recherche sur les perturbateurs endocriniens...
Oui, mais il faut amplifier cet effort. Mener des études à très long terme, sur une, voire deux générations.



(1) Etude de l'Institut national d'études démographiques.
(2) Polluants organiques persistants (POP), composés organiques volatils, éthers de glycol, organochlorés, phtalates, myco et phytoestrogènes...