Je le dis depuis mes premiers billets ici : je crois beaucoup aux systèmes passifs (systèmes rendant des services sans ou en utilisant très peu d'énergies) !

Bien sûr, il n'y a pas besoin de beaucoup de jugeote pour deviner que les systèmes qui donnent le plus en prenant peu sont forcément bons !

Pourtant, ce n'est pas l'orientation que prend le domaine du bâtiment basse consommation en France. Scientistes à souhait, nombre de concepteurs français font de la pompe à chaleur et de la ventilation double-flux les références pour consommer peu.

Pourtant, l'importance des utilisateurs commence à être connue : on ne fait pas de basse énergie sans la complète adhésion et participation (fut-elle "apprenante") des occupants !

L'expérience de Bedzed en Angleterre a, à ce titre, apporté quelques enseignements : suivant l'implication des occupants, les factures varient de 1 à 6 ! Non négligeable...

Pire encore, la Suisse constate que des bâtiments pourtant labellisés Minergie consomment plus de trois fois plus que ce qui avait été calculé avant la construction !

Pourquoi ?

Et bien encore et toujours principalement à cause des occupants. Je suis sûr que vous vous demandez comment un simple occupant peut faire chuter la performance d'un bâtiment conçu si intelligemment par une escouade d'architectes et d'ingénieurs.

J'aurais tendance à vous dire : de la même façon que chaque terrien fait exploser chaque année notre record de consommation d'énergie, en dévoyant les systèmes pour plus de confort, de luxe même.

Ainsi, dans ces bâtiments Minergie conçus optimalement mais présentant des surconsommations, on a constaté que les logements sont chauffés bien plus fortement que la température de référence utilisée pour les calculs : 22.5°C au lieu de 20°C.

En France aussi, les premiers retours montrent que parmi les heureux possesseurs d'une maison basse-énergie, un certain nombre se félicite de pouvoir chauffer plus en payant le même prix qu'avant leur "conversion énergético-environnementale" :

Avant, on payait mille euros par an pour le chauffage. Maintenant, on paye toujours mille euros mais on chauffe à 23°C au lieu de 19°C ! Quel confort !

Autant dire qu'aucun concepteur n'avait vu le coup venir :(

Même si EDF ne vous le dit pas, je vous le dis : 1°C de plus dans ce bâtiment, c'est 16% de majoration des consommations de chauffage.


EDF_LeBebe Qui Parle
envoyé par Olivedeluynes. -

D'autres pratiques néfastes ont été constatées, comme fermer les volets le jour (hé mes calories solaires gratuites !) ou ouvrir les fenêtres en pleine saison de chauffe.

L'impact des occupants dans ce bâtiment basse-énergie augmente la facture d'environ 150%.

Enfin, il y a une autre source de surconsommation : l'écart de performance thermique du bâtiment entre le calcul initial et la réalité du terrain.

écart des consommations de chauffage entre prévisions et mesures

Bien sûr, c'est nullement étonnant parce que les études thermiques n'ont pas la prétention de prévoir les consommations futures telles l'oracle de Delphes (pour rester en Grèce, elles sont plus à rapprocher d'Hermès, guide des voyageurs), mais il est intéressant à noter comment la phase chantier peut bouger les lignes.

En effet, d'où vient l'écart sur la performance de l'enveloppe ?

Il vient de la sous-estimation des ponts thermiques (40% de la surconsommation) ! La pose des fenêtres n'a pas pu se faire avec les faibles niveaux de ponts thermiques attendus en phase conception.

Il vient ensuite de l'efficacité du récupérateur de la ventilation, largement surestimé (22% de la surconsommation) puis des apports internes électriques eux-aussi surestimé car le maître d'ouvrage a fait le choix a posteriori de solutions basses énergies (15% de la surconsommation).

écart de performance de l'enveloppe

Au final, le bâtiment reste plus économe en terme d'énergie primaire mais la divergence est importante et le bâtiment consomme beaucoup plus d'électricité que prévu. Il y a un basculement partiel de vecteurs énergétiques.

Basculement vers vecteur électrique

Mais alors que faire ? Quelles conclusions ?

Très simple : "Y'a pas mieux que les systèmes passifs". :)

Pour éviter que l'on bascule d'une société tout carbone à une société tout nucléaire, seuls les systèmes (et les usagers) les plus sobres sont à même de nous aider à réussir le défi.

Privilégier les systèmes simples et robustes, faire participer de façon active et apprenante les usagers des bâtiments est, à mon sens, la meilleure voie durable pour des bâtiments réellement basse-énergie.

source : LaRevueDurable, d'après la thèse de M. Zgraggen